Décote, risques et prime de risques
L’objectif de la gestion active est généralement de dégager un surcroît de performance par rapport à la référence sans risque ultime : le placement monétaire. Le prix d’un actif risqué, dont les flux monétaires (dividendes, coupons) sont incertains, doit intégrer une décote par rapport à son équivalent certain. Cette décote, qui détermine la prime de risque, n’est pas fortuite. Elle rémunère les risques encourus par les investisseurs. Capter une prime de risque requiert donc un jugement sur l’adéquation entre cette décote et les risques identifiables.
L’existence d’une prime ex-ante est indissociable de l’aversion pour la perte et pour le risque des investisseurs. Le marché du crédit est caractérisé par le défaut potentiel de l’émetteur. La détention d’une obligation risquée est assimilable à la vente d’un put sur la valeur de l’actif de l’entreprise emprunteuse. Le risque de défaut crée cette asymétrie qui justifie la prime liée à l’aversion pour la perte des créanciers. On retrouve cette asymétrie sur les marchés d’actions. La protection contre un krach boursier est notoirement plus coûteuse qu’une option à la hausse des indices.
Si l’asymétrie reflète l’aversion pour la perte, l’aversion pour le risque des investisseurs induit un second type de prime. Les risques d’illiquidité d’un actif, de baisse de la notation d’un émetteur ou le risque financier systémique sont présents sur tous les marchés à des degrés divers. Capter une prime de risque signifie ainsi identifier les excès de valorisations.
Capter la prime de volatilité des marchés actions
La prime de risque de volatilité est étroitement liée à un biais comportemental connu, le biais d'aversion à la perte : les individus ressentent en moyenne deux fois plus de douleur face à une perte de 100 euros qu’ils ne ressentent de joie pour un gain équivalent. Sur le marché des options, ce biais crée un déséquilibre qui se matérialise en une demande pour des protection contre des baisses de marché qui dépasse largement l’offre. En conséquence, les vendeurs de protections se retrouvent en position de force et demandent une prime pour assumer le risque de baisse. Il existe donc une prime de risque de volatilité sur les marchés actions qu’il est possible de capter et ainsi, générer de l’alpha.
Pour ce faire, généralement cela passe par de la vente de volatilité, notamment par de la vente d’options sur des indices actions. Deux mises en œuvre principales sont possibles :
* Couvrir tous les risques sauf celui de volatilité afin d’obtenir une stratégie de portage pur
* Couvrir tous les risques sauf celui de volatilité et de directionnel pour obtenir une stratégie qui bénéficie à la fois de la normalisation de la volatilité et du rebond des marchés
Pour optimiser le profil rendement / risque d’une stratégie de vente de volatilité, nous avons la conviction qu’il faut allouer dynamiquement entre ces stratégies en fonction des conditions de marché. Dans des conditions de marché calmes, il est préférable de profiter du portage en réduisant le risque directionnel. A l’inverse, après un choc de marché, il y a une opportunité de profiter d’un potentiel rebond en augmentant son exposition au directionnel.
Capter des spreads de crédit
Dans l'univers des obligations d'entreprises, l'aversion humaine au risque se matérialise par le « spread de crédit » : la rémunération excédentaire pour la prise de risque de crédit par rapport à la dette « sans risque ». Afin de capter cette prime avec un degré de stabilité raisonnable, nous nous focalisons sur les éléments suivants.
Tout d’abord, la recherche afin d'acquérir une compréhension approfondie des fondamentaux et de la dynamique de l'activité de l’entreprise ainsi que de sa capacité à générer des flux de trésorerie récurrents.
Deuxièmement, parce que, contrairement aux actions, les obligations sont une classe d'actif asymétrique, la diversification des émetteurs est nécessaire pour atténuer les chocs idiosyncratiques inattendus. Une exposition maximale de 3 % du portefeuille par émetteur semble être un bon niveau pour la plupart des situations.
Troisièmement, il convient d'optimiser la valeur relative parmi les nombreux candidats à l'inclusion dans le portefeuille. Selon l'approche quantitative classique du modèle de Merton, une obligation d'entreprise s’assimile à une position courte sur une option de vente sur les actifs de l'entreprise, et par conséquent, le niveau de son spread de crédit est positivement corrélé avec la volatilité de son action. Évidemment, la vie réelle est plus complexe, mais cette approche peut être utilisée pour identifier des opportunités ou des inefficiences. Par exemple, une réduction de dividende peut augmenter la volatilité des actions et le spread de crédit, alors qu’un tel événement est plutôt favorable pour les détenteurs d'obligations. Alternativement, la valeur relative peut être évaluée de manière plus qualitative en comparant le spread de crédit à la perception des fondamentaux de l’entreprise.
Enfin, le maintien d'un niveau de liquidités confortable permet de saisir les opportunités dans des conditions de marché volatiles. Certes, les liquidités diminuent le rendement en période calme, mais cela est plus que compensé lorsque les marchés se tendent et que des opportunités d'investissement à bon marché se présentent. Cette stratégie revient à détenir une option hors de la monnaie sur la volatilité des spreads de crédit.