Un contexte de volatilité singulier sur les marchés ?
La volatilité taux structurellement plus élevée
Le niveau élevé de la volatilité des taux nous interroge pour deux raisons essentielles.
En premier lieu, la volatilité s’est normalisée, à mesure que la politique de taux a pris le pas sur les politiques quantitatives. Durant les années de crise, la communication avancée des Banques centrales assurait un ancrage des taux à des niveaux faibles, voire négatifs, et reportait le risque de marché sur les maturités longues. L’ampleur inhabituelle des mouvements de taux directeurs (hausses de 50, voire 75 pb) et leur fréquence depuis 2022 ont rétabli la structure par terme historique de la volatilité. L’essentiel de l’incertitude sur les taux devrait porter sur un horizon relativement court (proche de 2 ans), puisque les taux longs tendent à moyenner les variations cycliques. La normalité est donc une structure par terme inversée de la volatilité, qui prévaut de nouveau depuis le début de 2022.
Ensuite, la hiérarchie des volatilités des principaux marchés financiers semble à l’inverse des risques historiques. La volatilité élevée des taux contraste avec les volatilités faibles du crédit, des actions et des taux de change. Ainsi, l’actif réputé sans risque (de défaut) est devenu une source majeure de risque de marché. Le paradoxe est que la variabilité accrue du facteur d’escompte des flux des actifs risqués n’a pas été compensée par une prime de risque supplémentaire sur le crédit ou les actions. Au contraire, la volatilité du crédit ou des actions a diminué. Toutefois, le statu quo monétaire depuis septembre 2023 commence à infléchir la volatilité.
Volatilité actions : la corrélation mène la danse
Pour expliquer cet écart important entre la volatilité des taux toujours élevée et la volatilité des actions revenue sur ses plus bas pré-Covid, nous devons creuser sous la surface des indices actions. Pour évaluer la volatilité des actions, les investisseurs font souvent référence à l’indice VIX, basé sur la volatilité des options 1 mois du S&P 500. Par construction, cet indice est composé de 500 actions, donc pour que le S&P 500 soit volatil, il faut que les différentes actions soient volatiles, mais aussi que ces actions soient corrélées, qu’elles bougent à l’unisson. Ces deux dernières années, les principales thématiques de marché ont divisé l’indice entre des gagnants et des perdants. Des taux plus élevés sont bons pour les entreprises riches en liquidités, mauvais pour les entreprises endettées. L’intelligence artificielle a aussi ses gagnants et ses perdants. Il en va de même pour les médicaments anti-obésité. Dès qu’une nouvelle est publiée sur une thématique, les gagnants surperforment, les perdants sous-performent et, dans l’ensemble, le S&P 500 ne bouge pas beaucoup, car la dispersion entre les actions atténue le mouvement de l’indice. Pour mesurer la dispersion, on regarde la corrélation implicite dérivée de la volatilité implicite de l’indice et de ses constituants. Cette corrélation implicite entre les actions s’est effondrée sur les deux dernières années, pour atteindre les plus bas niveaux depuis 2005. Plus que jamais, la volatilité doit être gérée activement pour éviter de se retrouver à contre-courant, lorsque la corrélation augmentera à nouveau et contribuera à pousser la volatilité des indices à la hausse.
Baisse de la volatilité actions : pourquoi chercher de la diversification
La dynamique de 2023 de forte surperformance des segments Cycliques et Croissance tranche avec celle de 2022, où la Value et les thèmes inflationnistes avaient largement surperformé. Une analyse quantitative des performances des marchés actions confirme l'opposition entre les thématiques Inflation et Croissance depuis 2021, reflétant les incertitudes post-Covid. On constate spécifiquement que la polarisation entre la Value et la Croissance a été le facteur dominant depuis 2021.
Cette dynamique exerce une influence sur la baisse de la volatilité actions, à travers la baisse des corrélations, mais, dans un deuxième temps, risque aussi de conduire à une simplification excessive de la diversification offerte par cette opposition. Une lecture multi-dimensionnelle de l'analyse permet de mettre en lumière deux aspects essentiels : tout d’abord, la stabilité de la décorrélation Value-Croissance est fragile ; ensuite, les segments plus défensifs et le facteur de Faible Volatilité sont les seuls à jouer un rôle diversifiant par rapport à cet axe qui a jusqu’à maintenant été déterminant.
Il est crucial de reconnaître que l'absence de volatilité n'est pas synonyme d'absence de risque ; leur relation n’est pas monotone. Dans le contexte actuel, il est opportun de revisiter la diversification, en allant au-delà de sa plus simple expression binaire, et d’identifier des segments de marché réellement différenciants. C’est le cas des secteurs et des titres moins volatils, d’autant qu’il s’agit de segments dont la valorisation n'a pas été aussi attractive par rapport aux segments plus risqués depuis plus de 20 ans.