Le marché de l'immobilier à un tournant
Les prix de l’immobilier résidentiel de la zone euro ont cessé de baisser pour s’inscrire en légère hausse au deuxième trimestre 2024 (+ 1,3 % sur un an). La situation est néanmoins contrastée entre les pays : les prix progressent nettement en Espagne, aux Pays-Bas et au Portugal alors qu’ils se contractent en France et en Allemagne. Les prix de l’immobilier commercial continuent quant à eux de baisser : -6,6 % sur un an au 2ème trimestre 2024, à un rythme toutefois plus modéré.
Le marché de l’immobilier a été affecté par la hausse forte et rapide des taux d’emprunt, consécutive au resserrement sans précédent de la politique monétaire de la BCE pour lutter contre une inflation élevée. Le marché de l’immobilier commercial a en outre été pénalisé par la perte de rentabilité des entreprises et des facteurs structurels comme le développement du télétravail et du e-commerce.
Aujourd’hui, l’horizon s’éclaircit. La BCE baisse ses taux depuis le mois de juin, en raison de la nette modération de l’inflation, et l’assouplissement monétaire devrait se poursuivre. Cela s’accompagne d’une légère diminution des taux des prêts accordés aux ménages et aux entreprises, qui restent toutefois encore élevés.
La dernière enquête de la BCE menée auprès des banques commerciales est dans ce cadre très encourageante. Elle montre une nette hausse de la demande de prêt des ménages pour un achat immobilier. Celle-ci résulte de l'amélioration de leurs perspectives sur ce marché et des baisses de taux. L'impact de l'assouplissement monétaire de la BCE devrait se renforcer et soutenir le marché de l'immobilier.
L’opportunité de l’effet rareté
Entre 2022 et 2024, les taux européens ont triplé occasionnant un fort ajustement du prix de l’immobilier, car il se comporte comme une obligation perpétuelle. C’est le seul actif pour lequel on s’endette massivement en jouant sur l’écart entre le rendement et le coût de financement.
Tous les sous-secteurs ont connu un ajustement des prix mais à des degrés moindres selon la géographie et le type d‘actif, avec néanmoins un respect de la hiérarchie du secteur.
Les foncières résidentielles ont vu les prix baisser (5% à 15%) uniquement en raison de la hausse des taux. L’Europe ne construisant pas assez de logement, les prix devraient rebondir modestement par effet de rareté. Ce sont certes les plus endettées mais aussi les plus stables.
Les foncières de bureaux connaissent une forte polarisation. Les prix des bureaux bien situés n’ont que très peu bougé (-10%-15%) alors que le non-prime a connu de fortes de baisses jusqu’à -40%. L’ajustement n’est pas terminé. Nous restons très sélectifs car les taux d’occupation sont sous pression.
Viennent ensuite les foncières commerciales, que nous avons privilégiées depuis 2023 car les prix ont très peu bougé. La crise du COVID avait déjà mis sous pression les valorisations, et les valorisateurs utilisent de fortes primes de risque. Ajouté à la récente baisse des taux, elles ont vu pour la plupart leur patrimoine s’apprécier. A noter qu’elles ont fortement baissé leurs dettes et bénéficient, comme le bureau, de l’indexation des loyers.
Enfin, les foncières logistiques ont subi des baisses de valorisations, mais la demande liée au e-commerce reste forte, les rendements bons et augmentent souvent au-dessus de l’indexation. Mais les plus belles années semblent derrière nous. La Loan-to-Value reste faible car le segment est réputé le plus cyclique. Nous restons confiants.
La baisse est terminée, hors bureau, et l'effet rareté devrait jouer à plein.
La sélectivité au cœur de l'allocation
Alors que le poids du secteur dans les indices crédit européen a triplé en 10 ans pour atteindre les 6%, la sous-pondération sectorielle aura couté cette année aux investisseurs trop frileux sur le marché du crédit.
Après plus d'un an et demi de surperformance obligataire, la question est de savoir si le marché de l’immobilier reste toujours attractif en termes de valorisations?
Les plus mauvais élèves ayant été pour la plupart sanctionnés par les agences de notation, la qualité de crédit au sein du secteur devrait se stabiliser pour l'année à venir.
L'année 2024 marque également le retour en force du secteur sur le marché primaire, avec plus 23Md€ de nouvelles émissions. Les carnets d'ordres fortement remplis et l'effacement des primes sur les dernières émissions doivent conduire cependant à une plus grande sélectivité.
Une accalmie côté émissions pourrait être observée en fin d’année, notamment pour le secteur résidentiel qui offre encore un profil risque/rendement intéressant. Plus en retard dans ses refinancements, la logistique reste également attractive et devrait offrir des opportunités sur le marché primaire.
Le différentiel de prime entre le secteur et le reste de l'indice à 30bp s'est certes réduit de près de 60bp depuis le début de l'année, mais en absolu, compte tenu de fondamentaux stabilisés, le secteur reste attractif dans un environnement porteur de baisse des taux et de recherche de carry par les investisseurs.