Réactivité et proactivité sont toutes deux nécessaires pour relever les défis soulevés par les changements macroéconomiques, réglementaires et ESG.

Points clés

  • Depuis 2021, les taux d’intérêt ont changé de direction, obligeant les assureurs à faire face à un paradigme d’investissement entièrement nouveau. De nombreux assureurs se retrouvent prisonniers de rendements qui ne correspondent pas à ceux du marché.
  • Les assureurs sont également confrontés à un big bang réglementaire avec les normes IFRS 9 et IFRS 17, qui ont un impact significatif sur la manière dont les portefeuilles sont gérés et structurés. Les contraintes ESG ajoutent un niveau de complexité supplémentaire aux décisions d’allocation.
  • Le grand défi pour les assureurs est de parvenir à augmenter le rendement comptable tout en respectant les nouveaux objectifs réglementaires, ESG et imposés par le marché. Ils ont besoin de gestionnaires d’actifs qui disposent des ressources et des outils nécessaires pour s’adapter à l’évolution de l’environnement opérationnel et du contexte financier.

« Le changement est la loi de la vie. Et ceux dont le regard est tourné vers le passé ou le présent sont certains de rater l’avenir. »

Cette vision des choses, énoncée par John F. Kennedy en 1963, trouve un écho chez de nombreux investisseurs aujourd’hui. Le paradigme qui prévalait au cours des dix dernières années — caractérisé par des taux d’intérêt et des rendements faibles — n’est plus et les investisseurs doivent maintenant s’adapter rapidement.

Ceci est particulièrement vrai pour les compagnies d’assurance, dont les actifs importants, les engagements complexes et les contraintes opérationnelles ne sont pas bien adaptés à des renversements soudains et brutaux de la dynamique de marché.

Au-delà des contraintes organiques imposées par leur taille et leur complexité, elles sont également soumises à davantage de contraintes externes que tout autre type d’investisseur, du moins en Europe. Après des années d’évolution de la réglementation et des exigences ESG, elles doivent désormais prendre des décisions d’allocation judicieuses qui leur permettent d’obtenir des rendements plus élevés tout en satisfaisant à toutes les exigences externes.

Plus bas pour plus longtemps
Après la crise financière mondiale et plus de dix ans de taux historiquement bas, de nombreux investisseurs se sont retrouvés enfermés dans une vision d’un monde où les taux étaient proches de zéro. Dans les comités d’investissement du monde entier, on entendait dire « Plus bas pour plus longtemps » et les décisions concernant les portefeuilles reflétaient ce mantra. 

Investir dans des produits monétaires ou quasi monétaires était une stratégie perdante et seuls des niveaux minimaux de trésorerie étaient maintenus, principalement pour des questions de liquidité.

Les assureurs ont, dans l’ensemble, allongé la duration de leurs positions obligataires et augmenté leur exposition au risque de crédit afin d’accroître le rendement comptable. Nombre d’entre eux se sont également tournés vers les produits structurés, tandis que les pans du portefeuille à plus long terme ont été investis dans des actifs illiquides.

Les allocations en actions génératrices de revenus ont été augmentées afin de récolter des dividendes globalement plus élevés que les rendements obligataires.

Mais depuis 2021, la trajectoire suivie par les taux d’intérêt s’est inversée et les assureurs continuent de s’adapter à ce nouveau paradigme.

Plus hauts pour plus longtemps ?
L’expression « Plus bas pour plus longtemps » est désormais obsolète, remplacée par « Plus hauts pour plus longtemps » — marquant une période d’inflation plus élevée à moyen terme et de taux d’intérêt eux aussi plus élevés.

Bien que les autorités monétaires des marchés développés aient fait part de leur volonté d’abaisser les taux d’intérêt pour stimuler une croissance économique faible, il faudrait encore un certain temps avant que les impacts de ces changements de taux ne se matérialisent.

De nombreux assureurs se sont donc retrouvés prisonniers de rendements obligataires qui ne correspondent pas aux rendements actuels du marché. Les actifs illiquides, qui contribuaient autrefois aux rendements, sont aujourd’hui souvent responsables de la baisse des rendements comptables. 

« Dans l’environnement actuel, il faut se demander si la prime d’illiquidité est suffisante par rapport aux taux plus élevés disponibles sur les marchés », explique Xavier-André Audoli, Responsable de la Gestion Multi-Actifs Assurance chez Ostrum Asset Management (Ostrum AM), société affiliée de Natixis Investment Managers.

Qui plus est, la valeur de l’immobilier « core », un incontournable des grandes institutions financières, a été affectée par la pandémie de COVID et la tendance au travail à domicile qui s’en est suivie. Alors que celui-ci était autrefois considéré comme une réserve de valeur solide, les dépréciations de capital — les premières depuis de nombreuses décennies — ont forcé une réévaluation de la classe d’actifs.

Un big bang réglementaire
Les changements intervenant sur le marché sont importants, mais ils ne sont qu’un élément parmi d’autres pour les assureurs. Ceux-ci sont également confrontés à un big bang réglementaire avec les normes IFRS 9 et IFRS 17, qui sont enfin entrées en vigueur et ont un impact majeur sur la manière dont les portefeuilles sont gérés et structurés. 

Pour les assureurs détenant des obligations et des actions cotées, la norme IFRS 9 impose une nouvelle façon de classer et d’évaluer les actifs financiers et peut accroître la volatilité du compte de résultat si les bons choix d’investissement ne sont pas faits. Pour sa part, la norme IFRS 17 impose de nouvelles méthodes pour comptabiliser, évaluer et déclarer les passifs. 

Le principal changement apporté par cette réglementation est l’obligation d’évaluer les actifs à leur juste valeur plutôt qu’à leur coût et de fournir une évaluation des passifs conforme au marché.

Compte tenu de l’évaluation au prix de marché des actifs comme des passifs, les assureurs s’inquiètent de la volatilité que cela pourrait entraîner dans leurs résultats et des risques de non-concordance des comptes.

Ces risques justifient une gestion plus active des portefeuilles. Ils requièrent également une grande prudence dans l’application de la « juste valeur ». Par exemple, pour les actions, la valeur peut être appliquée au bilan ou par l’intermédiaire du compte de résultat.

« Il n’existe pas une seule bonne façon de faire des choix en matière de politiques comptables, c’est pourquoi celles-ci doivent être soigneusement évaluées et doivent refléter les objectifs de chaque assureur ainsi que les conditions dans lesquelles il évolue », déclare Rémi Lamaud, expert en Solutions Assurantielles chez Ostrum AM.

L’ESG, un élément majeur du changement de paradigme
Pour les assureurs, le nouveau paradigme comprend une attention de plus en plus grande portée au climat et à la transition énergétique. L’ESG est loin d’être une nouveauté, mais ces principes imprègnent désormais toutes les décisions relatives aux portefeuilles institutionnels.

« Presque tous les investisseurs visent des objectifs ESG, en termes de notation ESG et d’indicateurs climatiques, ou de réduction de leur empreinte carbone. Cela a un impact considérable sur l’allocation d’actifs et sur la sélection d’obligations en particulier », explique Xavier-André Audoli.

L’approche en trois étapes d’Ostrum AM en matière d’ESG commence par une collaboration avec les assureurs pour définir, comprendre et estimer l’impact d’une politique ESG sur un portefeuille. La deuxième étape concerne sa mise en œuvre, aussi bien sur les obligations que sur les actions et les actifs illiquides. La troisième étape consiste à fournir des rapports précis pour mesurer et contrôler l’impact ESG des actifs.

Selon Xavier-André Audoli, « De nombreux clients choisissent de s’aligner sur l’Accord de Paris ou sur une autre initiative majeure, mais ils demandent de plus en plus à ce que soient intégrés des thèmes ESG moins courants, tels que la biodiversité. »

Les assureurs doivent être prêts et une grande partie de cette préparation consiste à collecter et à utiliser des données. « Pour bien faire en matière d’ESG, il faut un grand nombre de points de données et tous les assureurs ne sont pas équipés pour cela », ajoute Xavier-André Audoli.

Les conséquences en matière d’allocation
Le mot d’ordre pour les portefeuilles d’assurance d’aujourd’hui est la relution. En d’autres termes, il s’agit de savoir comment porter le rendement comptable du portefeuille à celui du marché, tout en respectant les nombreuses contraintes du marché, de la réglementation et ESG.

Pour Rémi Lamaud, « Il ne s’agit pas simplement de vendre une partie du portefeuille et de réallouer les fonds vers des instruments à plus haut rendement. Les portefeuilles d’assurance sont comme des supertankers, il faut du temps pour les redresser. »

Acheter et conserver des obligations n’est pas une stratégie optimale, comme l’a montré la période de hausse des taux. Comme le rappelle Rémi Lamaud : « En tant que société de gestion, nous croyons en une gestion active des obligations et de l’ensemble du portefeuille. Nous ne pratiquons pas de stratégie "buy and hold" ». 

Pour de nombreux assureurs, l’optimisation du rendement devrait se traduire par une plus grande allocation aux obligations souveraines et aux titres indexés sur des liquidités. Les marchés monétaires, en particulier, offrent un rendement très compétitif par rapport aux obligations et sont devenus une allocation stratégique plutôt qu’un simple outil de gestion de trésorerie.

Pour réduire la volatilité, la part dévolue aux actions pourrait bien diminuer, les assureurs leur préférant des stratégies actions à faible volatilité ou gérées en fonction du risque. En ce qui concerne les investissements illiquides, largement utilisés par les assureurs au cours de la dernière décennie, la question est maintenant de savoir s’ils offrent de meilleurs rendements que les liquidités.

Concernant la nature des instruments utilisés pour investir, les actifs détenus en direct peuvent être préférables à ceux contenus dans des structures de fonds. 

Intégrer la flexibilité
Compte tenu des nombreux défis que pose la réorientation des portefeuilles d’assurance pour s’adapter à ce nouveau paradigme, il est essentiel que les gestionnaires d’actifs comprennent l’environnement opérationnel ainsi que le contexte financier.  

« Nous disposons des ressources nécessaires pour faire des prévisions — il est important de définir des points de vue solides et à long terme si l’on veut ajouter de la valeur par le biais de conseils stratégiques », déclare Xavier-André Audoli.

Ostrum AM compte un macroéconomiste à plein temps et trois stratégistes de marché, en plus de ses analystes crédit et de ses gérants de portefeuille. Fait rare dans le secteur de la gestion d’actifs, elle dispose d’une équipe dédiée à l’assurance de 27 personnes, qui fonctionne comme une division autonome, mais qui a accès à l’intégralité des ressources considérables d’Ostrum AM. 

L’allocation et la gestion obligataire pour les assureurs, par exemple, sont effectuées au sein de l’équipe Assurance, et non par l’ensemble de l’organisation, comme c’est généralement le cas ailleurs dans le secteur. 

Selon Xavier-André Audoli, « C’est une équipe très importante qui se concentre uniquement sur les assureurs. L’expérience et les ressources dont nous disposons nous permettent d’être flexibles, que ce soit en termes d’état d’esprit ou d’outils. »

Compte tenu de la taille et des compétences de l’équipe dédiée à l’assurance, chaque décision de portefeuille peut être prise en se référant aux concepts de valorisation au prix du marché, aux fondamentaux financiers et à l’impact ESG de chaque émetteur.

Le changement est un défi qu’il faut relever
Le changement est peut-être la loi de la vie, mais cela ne rend pas les choses plus faciles.

Pour Xavier-André Audoli, « Plus que jamais, les assureurs doivent être à la fois réactifs et actifs pour profiter de la volatilité du marché. Cela nécessite bien sûr une expertise en matière d’investissement, mais aussi bien plus que cela. »
 

Comment les assureurs s’adaptent au nouveau paradigme

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  • Xavier-André Audoli

    Xavier-André Audoli

    Responsable Gestion Multi-actifs Assurance

  • Rémi Lamaud

    Rémi Lamaud

    Solutions Assurantielles

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