Seulement 16 % des jeunes sud-africains âgés de 18 à 24 ans se disent optimistes quant à leur avenir, reflétant leurs préoccupations sur la situation économique du pays, notamment la corruption et le marché du travail, dont le taux de chômage a augmenté à 33 % au T1. Cette situation représente un défi pour le Congrès national africain au pouvoir, alors que plusieurs sondages montrent que le parti risque de perdre sa majorité lors des prochaines élections générales du 29 mai prochain, pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 1994.

Le point de vue de la stratégiste

La lumière au bout du tunnel ?

Le PIB de l’Afrique du Sud a retrouvé son niveau d’avant crise du Covid-19, mais la croissance  sud-africaine reste faible pénalisée par de multiples contraintes structurelles : corruption, chômage, détérioration des services publics tels que la distribution d’eau potable et d’électricité.

L’économie sud-africaine a évité la récession l’an dernier en enregistrant une timide croissance de 0,6 % grâce à la hausse des prix des matières premières. La croissance est prévue à 0,9 % pour cette année et 1,5 % l’année prochaine, selon les dernières prévisions du FMI. Cette amélioration attendue est liée à l’impact des réformes ainsi qu’à l’amélioration de l’approvisionnement en électricité.

Le président Cyril Ramaphosa cherche à concilier les objectifs climatiques de l’Afrique du Sud en diminuant progressivement l’utilisation du charbon (80 % de l’électricité du pays) et l’augmentation de la production d’électricité. Eskom, l’entreprise nationale d’électricité, a augmenté ses capacités de production en utilisant l’énergie solaire. Lors de sa visite en août dernier, Xi Jinping s’était engagé à soutenir la production d’électricité de l’Afrique du Sud en effectuant un don d’urgence de 167 millions de rands ainsi qu’une subvention de 500 millions de rands.

Eskom a récemment déclaré que la crise énergétique était « fixée », réduisant les craintes sur les perspectives de croissance du pays. Les déboires d’Eskom avaient également nécessité le soutien financier du gouvernement sud-africain, détériorant les finances publiques.

Le ratio dette publique/PIB est passé d’une moyenne de 45 % sur la période 2011-2019 à 74 % en 2023. Celle-ci pourrait atteindre 86 % du PIB en 2029, d’après les dernières prévisions du FMI lié aux soutiens financiers pour les entreprises nationales dont fait partie Eskom.

Un inversement de tendance semble toutefois s’opérer. Pour la première fois en 15 ans, l’Afrique du Sud a enregistré un surplus budgétaire primaire de 0,4 % du PIB en mars 2024, lié à une hausse des recettes fiscales mais également une baisse significative des dépenses comme le montre le graphique ci-dessous. 
 

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Les investisseurs ont depuis longtemps exprimé leurs craintes sur l’augmentation de l’endettement du pays, car la charge des intérêts est importante, ponctionnant d’autres dépenses comme celles de l’éducation ou de la santé. Le Trésor sud-africain compte stabiliser le ratio à 75 % d’ici 2025-2026 en utilisant le compte d’or et réserves pour réduire le service de la dette.

Malgré ces signaux positifs, les défis persistent pour l’économie sud-africaine. Le taux de chômage est élevé, à 33 % au T1, reflétant le besoin de renouer avec une croissance soutenable, afin de créer des emplois. C’est l’enjeu des élections du 29 mai prochain.

  • Zouhoure Bousbih

    Zouhoure Bousbih

    Stratégiste pays émergents

Le point de vue du gérant

La croisée des chemins ?

Si les élections présidentielles sont naturellement des instants clés, pour les pays émergents ce sont aussi parfois des moments où tout peut se construire ou basculer. À cet égard, les investisseurs seront très attentifs aux élections qui se dérouleront en Afrique du Sud où l’équilibre des pouvoirs politiques sera probablement redistribué. Pourquoi une telle vigilance ?

Principalement en raison de l’absence de véritables marges de manœuvres fiscales et budgétaires. Ces dernières ont été épuisées au cours de la précédente décennie, un phénomène naturellement exacerbé par la crise covid-19. Ainsi le PIB par tête du pays en 2023 (6 200 US dollar environ, selon S&P) est toujours inférieur à celui de 2010, alors que la dette brute est passée sur la même période de 36% du PIB à 76% ! Les enjeux sont donc substantiels et les besoins de réformes structurelles plus grands que jamais.

Crises et opportunités

Le pays a déjà entamé des chantiers, et notamment un des plus pressants avec la crise énergétique qu’il a traversée. L’Afrique du Sud dispose aussi d’un cadre institutionnel qui peut toujours être amélioré, mais est déjà assez solide. Si le pays peut amplifier cette tendance et se réformer davantage, il pourrait combler son manque chronique d’investissements privés qui lui font tant défaut pour retrouver une dynamique favorable et soutenable.


                                         
Le Groupe d’action financière (GAFI) a d’ailleurs souligné la détermination et les efforts entrepris par le gouvernement pour sortir de sa liste grise. Transformer ces efforts et ne plus faire partie de cette liste le plus rapidement possible serait déjà un signal particulièrement clair ! 

Dette internationale et locale sud-africaine

Ces enjeux sont aussi bien illustrés dans la courbe des taux de la dette internationale du pays : une des plus « pentue » de la classe d’actif dette émergente.

Quant à la dette locale (le pays dispose de marchés locaux profonds et développés), elle affiche également des pentes prononcées, mais surtout des taux réels particulièrement élevés et attractifs. Ces segments de marchés (parties longues dette internationale et locale) seraient les premiers à bénéficier d’une transition politique sans heurts et constructive.

  • Sébastien Thénard

    Sébastien Thénard

    Gérant dettes souveraines marchés émergents

Spécial élections 2024 – L’Afrique du Sud

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